En ces temps de clair-obscur où surgissent les monstres, adhérer à l’ANPI, c’est faire acte de résistance

En ces temps de clair-obscur où surgissent les monstres, adhérer à l’ANPI, c’est faire acte de résistance

J’ai profité de la présence d’un stand de l’Association nationale des partisans d’Italie (Associazione Nazionale Partigiani d’Italia, ANPI) lors de la Fête du Travail et des Cultures, organisée le 1er mai par le plus grand syndicat luxembourgeois, l’OGBL, à l’abbaye de Neumünster, pour adhérer à la section luxembourgeoise de cette grande organisation antifasciste italienne.

Je conçois cette adhésion comme une prise de position politique claire : celle d’un Luxembourgeois antifasciste qui refuse de voir les idéaux de la Résistance — depuis la guerre civile espagnole jusqu’aux mouvements clandestins et insurrectionnels des années 1940 — trahis par la montée des logiques autoritaires, guerrières et impérialistes. Rejoindre l’ANPI aujourd’hui, c’est affirmer que la mémoire ne suffit pas si elle n’est pas activement mobilisée face aux dangers actuels — ceux d’une Europe désormais engagée dans la course aux armements, qui militarise ses sociétés et fait, une fois encore, de la guerre un horizon politique possible.

Fondée par celles et ceux qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, ont combattu le fascisme en Italie, l’ANPI rassemble aujourd’hui quelque 160 000 membres. Depuis 2006, elle s’est ouverte à toutes les personnes partageant l’héritage de la Résistance. Ce renouvellement générationnel témoigne d’une conviction profonde : l’antifascisme ne se commémore pas, il se pratique — ici et maintenant — contre toutes les dérives autoritaires, voire fascisantes, et contre les régressions sociales engendrées par le système en place.

L’ANPI ne se contente pas de préserver la mémoire ; elle agit, prend position et lutte. Fidèle à une tradition politique profondément ancrée dans la société italienne, elle mène un travail de pédagogie populaire pour faire vivre l’esprit de la Résistance, en s’opposant aux forces qui cherchent à imposer un climat idéologique et culturel réactionnaire.

Bien que l’ANPI situe son action dans une perspective de larges convergences antifascistes — à juste titre —, je reconnais dans son engagement l’inspiration léguée par le grand penseur marxiste et dirigeant historique du Parti communiste italien, Antonio Gramsci. Celui-ci soulignait l’importance de la lutte des idées, affirmant que la bataille pour une contre-hégémonie culturelle et idéologique est essentielle pour que les intérêts des classes dominées puissent s’affirmer dans une société traversée par les rapports de pouvoir.

En ce sens, l’ANPI incarne un antifascisme vivant, enraciné dans les luttes actuelles contre les régressions démocratiques, les démantèlements sociaux et les idéologies qui désignent l’autre — en raison de son origine, de sa religion ou de sa couleur de peau — comme bouc émissaire, détournant ainsi l’attention des véritables responsables des inégalités et des conflits armés. Aujourd’hui, l’ANPI s’engage résolument contre la guerre, dénonçant la militarisation croissante et la course effrénée aux armements.

L’ANPI a condamné dès le premier jour l’intervention militaire russe en Ukraine, déclenchée le 24 février 2022. Elle reconnaît également que ce conflit a évolué en une guerre par procuration entre puissances impérialistes, où la logique d’escalade militaire prime sur toute perspective de paix. Fidèle à ses principes antifascistes et pacifistes, l’ANPI s’oppose à l’envoi d’armes à l’Ukraine, considérant qu’on ne construit pas la paix en alimentant la guerre. Elle critique la dérive belliciste de l’Union européenne, qui semble avoir relégué la diplomatie au second plan.

Cette position contraste fortement avec celle des députés et de la direction du parti de gauche luxembourgeois déi Lénk, qui soutiennent l’envoi d’armes à l’Ukraine. Bien qu’ils affirment que la guerre ne peut être gagnée uniquement par des moyens militaires, ils se montrent favorables à une aide militaire, épousant ainsi les positions des partis bourgeois et sociaux-démocrates. Leur positionnement marque une rupture préoccupante avec les principes antimilitaristes que la gauche radicale devrait défendre.

Dans un contexte où resurgissent les monstres — ceux du fascisme, de la guerre, de la haine de classe et de la logique impérialiste —, il est plus que jamais nécessaire de résister et de s’organiser. L’ANPI, par son histoire, son engagement et sa fidélité aux idéaux de la Résistance, est un outil vivant de cette lutte. Il est important qu’elle dépasse son ancrage dans la communauté italienne de notre pays pour rayonner plus largement et imprégner la société civile luxembourgeoise de ses principes. Plus que jamais, il nous faut combattre les récits dominants et mener une lutte culturelle et idéologique de haute intensité pour faire émerger de véritables contre-hégémonies.